vendredi 16 février 2018

Un Funambule sur le sable, de Gilles Marchand




      Il est des romans que l’on n’oublie pas. Un Funambule sur le sable est de ceux-là. 





      Stradi est né avec un violon dans la tête. D’où son surnom. Comment vivre avec un instrument qui sans cesse joue, en totale indépendance de la volonté ? Mystère de la science, qui n’y comprend rien, Stradi doit apprendre à vivre avec ce compagnon bruyant. Et puis il y a, pendant dix ans, la douleur d’un traitement tout aussi diffus et abscons que la compréhension du corps médical. Entrant à l’école tardivement, il rencontre Max, lui aussi, marginalisé, traînant sa jambe boiteuse derrière lui, et mélomane averti.



     Un Funambule sur le sable est un roman d’apprentissage, un roman de vie qui déroule un lent processus d’apprivoisement de son propre moi. Il questionne la construction de l’identité au sein d’une société qui marginalise la différence comme la poésie. Le poète de la vie devient lui aussi un individu antisocial par abandon de la collectivité. Avec une fantaisie poétique hors du commun, Gilles Marchand nous interroge tendrement et avec douceur sur notre capacité à sortir des sentiers battus par mille pieds en mocassin et polo brodés au nom des grandes entreprises. Cet écrivain fantasque a tout d’un Boris Vian, tout en approchant plus près encore la modestie de notre quotidien. 


« Quant à moi, ces emballages froissés et repassés qui enfermaient des cadeaux oubliés, me fascinaient. C’était une belle métaphore de notre société où tout était dans l’apparence. On offrait, on s’extasiait, on acceptait, on déballait, on se réjouissait, on souriait et on oubliait. Le souvenir du cadeau, du temps passé à le préparer et à l’ouvrir, tout cela était éphémère.
Et j’avais parfois l’impression que Max et moi étions des cadeaux mal emballés, des papiers froissés et vaguement encombrant que l’on s’efforçait d’oublier. » 



     Et puis, l’amour, qui mêlent et emmêlent Stradi et Lélie, modèle l’adaptation à l’identité de l’autre dans le couple. Avec tendresse, beauté et volupté, ils avancent, un pas après l’autre, construisant leur vie de famille, quitte à faire sacrifice d’eux-mêmes. 


     Magnifique, poétique, politique aussi, Un Funambule sur le sable est un livre à lire et à relire, et surtout à partager. 


« A vrai dire, je me suis toujours senti comme un funambule. J’ai avancé dans cette société en prenant mille précautions. Légèrement au-dessus, un peu au-dessous ou complètement à côté, je ne sais trop où, mais jamais en son sein. Je me suis maintenu en équilibre tant bien que mal, sachant que je pouvais chuter à tout instant. J’aurais pu considérer mon violon comme un don de la nature mais il était trop lourd à porter. J’ai avancé dans la vie comme un funambule sur le sable, avec un don que ne pouvais pas utiliser, empêtré et maladroit. » 



Un Funambule sur le sable, Gilles Marchand, Aux forges de Vulcain

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